Isabelle Gaberel

Artiste autodidacte basé à Genève

Qu’est-ce que la peinture représente pour moi ?

 

C’est une petite question pour une multitude de réponses que je vais tenter d’énumérer ici comme elles viennent, dans le désordre qu’elles choisiront.

L’art est un chemin vers moi-même. J’y mets mes émotions, mes peurs, mes joies, mes chagrins. Les couleurs sont mes amies. Je les aime chatoyantes, éclatantes, vivantes.

Dans l’enfance, dessiner était un refuge, un endroit à moi. Ma mère n’y rentrait pas avec ses exigences bien intentionnées, ses soucis de me voir heureuse à sa façon. A l’école je devais exceller dans toutes les matières. Peindre ce n’était qu’un joli passe-temps pour elle, il n’y avait donc aucune attente, pas d’exigence. Je bénéficiais d’une liberté absolue. Au fil des ans je me suis perdue, je n’étais plus qu’un personnage vide qui essayait tant bien que mal de correspondre à un idéal de fille heureuse.

Pendant de nombreuses années, j’ai perdu ce refuge. J’étais bien trop occupée à faire un travail que je n’aimais pas, à me convaincre que tout allait pour le mieux. Je me suis peu à peu construit un mur autour de moi. Une véritable enceinte en pierre. Les émotions ne pouvaient plus ni rentrer ni sortir. J’étais devenue un parfait petit soldat vide et sans couleurs.

Jusqu’en 1989, l’année où le mur de Berlin est tombé.

J’ai fait une dépression et mon mur à moi s’est écroulé. C’est à cette époque que je me suis inscrite à l’Atelier de Paul Delapoterie, un peintre qui m’a permis de retrouver l’espace de création qui m’avait tant manqué. Les couleurs ont repris leur place, Paul m’a guidée tout en me laissant libre. Il a joué le rôle d’un père et je lui dois beaucoup.

Avec bien des détours, des retours en arrière, j’ai petit à petit retrouvé mes émotions. Colère, joie, peur, chagrin, plaisir. Il m’aura fallu beaucoup de temps et d’énergie pour savoir à peu près qui j’étais et ce dont j’avais, moi, réellement besoin. Le chemin n’est pas encore terminé. Il y a encore aujourd’hui des zones d’ombre, des aspects de moi que je découvre et que je ne soupçonnais pas ; pas toujours agréables ni simples à intégrer dans ma vie actuelle parce qu’ils sont le fruit de choix faits alors que je ne savais pas qui j’étais.

Quand je peins, je suis un peu comme un chercheur d’or. Lorsque je découvre une veine, je la suis avec frénésie. Je creuse et je prends tout ce que la terre me donne. Je ne sais pas où elle va mais j’y vais, de manière obsessionnelle, jusqu’au bout. Parfois je rebondis sur une autre veine et je repars. Parfois je me retrouve au bout sans issue visible. En panne sèche. Je ne vois plus rien, c’est l’angoisse car je ne sais pas combien de temps elle durera. Une semaine, un mois ou plus ? Dans ces moments je me sens comme un puzzle éclaté, vide à l’intérieur.

L’or que je récolte se traduit par une série d’images : il y a eu la série italienne, les cocottes en papier, les corps de femmes, les portraits, les ciels et mers. Entre autres. Je reviendrai sur chaque parcours, je vous dirai pourquoi et comment ils sont là, comment je les ai vécus.

Pour l’instant restons-en là. Je vous souhaite un beau voyage…

Isabelle Gaberel